lundi 6 juillet 2020

Matière noire, un roman policier à l'efficacité redoutable

Le roman 

Paru le 7 novembre, aux editions Cosmopolis, 464 pages, 19,95 euros

Juillet 2017.

Une région. Deux disparitions.

Après une nuit en discothèque, la jeune Inès Ouari ne donne plus signe de vie.

Marion Testud, elle, n'est jamais rentrée de son jogging matinal.

Sur leurs traces, deux enquêteurs aux profils atypiques : Karim Bekkouche, chef de la BAC de Saint-Étienne, flirte avec les limites et prend tous les risques pour retrouver Inès. Jacques Canovas, journaliste parisien et ex-flic des Renseignements généraux, couvre la disparition de la joggeuse.

Tous deux ont des raisons personnelles de parvenir à leurs fins.

D'un bout à l'autre du pays, les pistes se croisent tandis que de vieux meurtres énigmatiques refont surface. Deux hommes confrontés, lancés dans une course contre la mort à pleine vitesse dans les abysses de la terreur panique.


L'auteur 


Source https://editionscosmopolis.fr/taxonomy/term/130
https://editionscosmopolis.fr/taxonomy/term/130

Ivan Zinberg est capitaine de police et romancier.

Il est l'auteur des thrillers "Jeu d'ombres" (2014), "Étoile Morte" (2015) et "Miroir Obscur" (2017) aux éditions Critic. En 2019, il publie son quatrième roman "Matière noire" chez Cosmopolis.


La chro de Flo

Karim Bekkouche est un policier stéphanois, issu des cités. Chef de groupe à la Bac, il est un jour contacté par Anissa Ouari, originaire de la même cité que celle qui l’a vu grandir. Sa fille Inès a disparu et si la jeune fille était fugueuse, cette disparition ne lui ressemble pas.

Karim, surnommé Bek, va mener l’enquête et va sonder les coins les plus sombres de la ville de Saint-Etienne voire au-delà pour tenter de retrouver Inès.

L’auteur a su éviter les personnages caricaturaux : pas de flics violents, torturés par une histoire personnelle catastrophique, pas de gros coups de gueule, ni de menaces, aucune violence ni physique, ni verbale, bref, un flic « normal », avec ses forces et ses faiblesses. Il est d’origine maghrébine, considéré comme un traître dans la cité qui l’a vu grandir. C’est un flic humain, intègre, qui souffre d’être séparé de sa femme et de son fils. Certes, il s’est emporté, mais n’a pas sombré, a simplement continué à faire ce qu’il savait faire.

Jacques Canovas est un ancien des RG, veuf et accessoirement journaliste pour Meurtre Hebdo ; il a besoin de donner un sens à sa vie depuis que sa femme est décédée.

Deux hommes qui vont se rencontrer, guidés avant tout par le souci de la vérité, une intuition pour l’un, une promesse pour l’autre, puis par les découvertes. Ces deux personnages masculins sont particulièrement crédibles et attachants et sont pour moi à l’origine de la réussite totale de ce roman policier.

Pas de coups tordus, de scènes scabreuses, de révélations alambiquées. Non, Ivan Zinberg nous décrit le travail quotidien, précis, des différentes unités qui entrent en jeu lorsqu’arrive une affaire sordide, sur fond de drogue, de prostitution, de meurtres avec agressions sexuelles, de tueurs en série.

Son talent est de mêler la fiction avec des faits divers avérés, s’étant déroulés principalement en Rhône-Alpes et d’ancrer son récit dans la réalité politique récente (nous sommes en été 2017, Emmanuel Macron est président).

Des cités stéphanoises à des quartiers qui cachent bien leur jeu, Ivan Zinberg nous livre une ville bien loin de celle dont on nous vante le renouveau, capitale du design à la française.

La plaine du Forez est un territoire de jeux nocturnes, moi qui en conservais le souvenir d’une zone plutôt paysanne, giboyeuse, certes déflorée ces dernières décennies par les constructions pavillonnaires, l’autoroute, les zones commerciales. Ivan Zinberg la transforme en lieu mortifère, où les boites de nuit sont le lieu de chasse de tueurs.

 

À la lecture, je me suis sentie totalement embarquée dans l’histoire. Par moments, c’est comme si j’avais eu une place dans la voiture à l’arrière avec Karim, Luc, ou Jacques. À d’autres, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un documentaire, tellement la fiction faisait écho à la réalité.

Bref, un polar parfaitement maîtrisé, à l’intrigue captivante de bout en bout, aux chapitres de plus en plus rythmés et aux personnages terriblement humains. Une véritable réussite !! 

En bonus, le département de la Loire en carte


lundi 30 mars 2020

Benzos





paru le 14 novembre 2019 aux éditions Taurnada, 222 p., 9, 99 euros.



Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller avec cette sensation de déjà-vu ?
Sauriez-vous faire la différence entre le vrai et le faux ?

Avez-vous une confiance absolue en vos proches ?
Nick semble mener une vie tranquille, entouré de sa femme et de ses voisins. Pourtant, le jour où des amis de longue date arrivent, son existence tout entière va basculer dans l'étrange et l'impensable.
Réalité ? Psychose ? Quelle preuve avez-vous finalement de votre réalité ?








L'auteur
Crédit photo : © Cécile Plessis


Né à Toulouse en 1974, Noël Boudou a travaillé auprès de personnes âgées et vit aujourd’hui près de Cahors. 
Depuis l'âge de 16 ans, chanteur dans divers groupes allant du hard-rock au death metal, écrire ses textes de chansons lui donne un jour l'envie de s'essayer à raconter des histoires. 
Fan de Jim Thompson, Joe R. Lansdale et David Peace, c'est tout naturellement qu'il se tourne vers le roman noir. Son premier livre, Elijah (Flamant Noir), remporte le prix du Roman Noir 2017 lors du Festival de Cognac.






La Chro de Flo

Une histoire singulière, avec en toile de fond les psychotropes, leurs effets et leurs conséquences.

Ce roman que je qualifierais de thriller par la tension qu’il sait créer au fil des pages a dès sa parution capté mon attention. Noël Boudou, son auteur a expliqué dès le départ qu’il a souhaité écrire sur ce thème car il s’est lui-même retrouvé dépendant de substances a priori supposées régler certaines de nos difficultés mais pouvant hélas nous pourrir la vie et la santé.

Nick Power travaille et vit avec Chloé. Il habite une maison entourée de quelques voisins. Une vie banale, qui paraît plutôt agréable. D’autant plus que son meilleur ami, Pierre et sa femme, Catherine, ont prévu de lui rendre visite. Cela tombe bien, cela fait 3 ans qu’ils ne se sont pas vus. La compagne de Nick travaille pour un laboratoire pharmaceutique et doit hélas s’absenter pour quelques jours pour raisons professionnelles.
Nick se retrouve seul pour accueillir ses amis. Et là, des événements étranges vont se produire et entraîner Nick et nous autres lecteurs, dans une aventure pour le moins éprouvante.
Car Nick a la fâcheuse habitude d’avaler les médicaments comme d’autres gobent des Tic Tac, et l’alcool n’est pas en reste. Très rapidement une spirale infernale va se mettre en place. Ses invités qui arrivent, une nuit torride avec la femme de son meilleure ami et le lendemain, plus personne ! Pire, l’arrivée le lendemain de ces mêmes amis comme si c’était la première fois !
Nick va essayer de comprendre, menant une sorte d’enquête auprès de son voisinage, pour tenter de savoir s’il a tout imaginé ou s'il est victime d'une machination.
Avec un nombre de personnages restreints, une répétition des événements, on pourrait craindre de s’ennuyer, mais l’écriture est vive, les mots sont choisis avec pertinence pour nous mettre dans la peau de Nick. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne s’y sent pas très bien, plutôt oppressés, angoissés, confus, perdus. Voilà comment moi, en tout cas, je me suis sentie.
Noël Boudou nous invite en effet à plonger dans une expérience sensorielle, psychologique, intellectuelle très particulière. J’ai trouvé ce roman particulièrement fort, terriblement humain et courageux, et l’on ne peut rester insensible à la souffrance qui s’écrit en filigrane tout au long de ces pages, souffrance de ne pouvoir vivre, dormir normalement et de basculer dans la dépendance avec l’accord tacite mais aussi culpabilisant du corps médical et pharmaceutique.


Si vous recherchez une lecture originale, alors je vous recommande ce roman plus que chaudement.


lundi 2 mars 2020

Miracle

paru aux éditions Cosmopolis le 17 octobre 2019


La vie de Laure, vingt-et-un ans, s'écroule lorsqu'elle apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur incurable au cerveau. Les médecins sont formels : la jeune femme est condamnée. Mais Laure est une battante, et grâce aux réseaux sociaux, récolte des fonds pour se lancer dans un projet fou : celui de traverser l'Atlantique en solitaire. Très vite, les internautes se prennent de passion pour cette jeune malade que d'aucuns voient comme une héroïne des temps modernes. Elle est invitée sur les plateaux de télévision, son périple est suivi sur YouTube par des centaines de milliers d'abonnés. Adulée, elle devient un symbole d'espoir et un modèle de courage. Dans sa course contre la montre, Laure pense avoir trouvé un sens à sa vie, mais une question parmi d'autres se pose : quel est le prix d'un miracle ?
Conduite pied au plancher, Miracle est l'histoire aux rebondissements en rafale d'une chute libre dans l'enfer des réseaux sociaux, qui va emporter Laure au cœur de la nuit, loin, beaucoup trop loin... Là où le lecteur n'a plus de répit.

La chro de Flo


Solène Bakowski est une auteure que j’ai rencontrée pour la première fois en mai dernier, lors de la première édition de l’Escargot Noir à Sens.

Immédiatement son sourire, la douceur qu’elle dégage m’ont fait m’arrêter à sa table et échanger avec elle. J’ai acheté « Une bonne intention » qui a rejoint ma PAL, puis quelques temps plus tard, « Un sac » que j’ai lu en premier, pour respecter l’ordre de parution ; et là coup de cœur pour l’écriture de Solène et l’histoire incroyable de son héroïne.
Début novembre, j’ai eu la possibilité de me rendre au salon de l’Iris Noir à Bruxelles et de retrouver Solène Bakowski pour la sortie cette fois-ci de Miracle.

Une fois de plus, je me suis laissée happer par l’histoire de Laure, jeune femme à qui les médecins diagnostiquent une tumeur au cerveau avec une espérance de vie de 2 à 3 ans.
Laure se retrouve poussée dans ses derniers retranchements par cette funeste échéance et la question lancée par sa sœur Axelle : « Tu vas faire quoi, du coup ? ».
Donner un sens à ce qui reste de la vie, réaliser un rêve qui dormait enfoui tout au fond de soi, c’est ce que nous ferions tous, placés dans une telle situation. Et Laure va poster sur les réseaux sociaux ce challenge de traverser l’océan atlantique. Un clic anodin en apparence mais qui va générer une incroyable déferlante pas seulement dans sa vie.
J’ai dévoré ce roman, je l’ai terminé en quelques jours, et une fois de plus, je suis restée scotchée, hantée par cette histoire. J’ai refermé le livre complètement chamboulée début décembre et j’y pense encore souvent.

Les mois qui se sont écoulés ensuite n’étaient pas opportuns à un retour, mais le temps est enfin venu de restituer mon avis à travers ces quelques lignes.
Miracle est un thriller complètement en prise avec notre époque car il aborde  la place trop grande que prennent les réseaux sociaux dans nos vies, qu’ils peuvent parfois faire basculer du jour au lendemain.

À travers sa construction originale : des extraits de conversations sur twitter, des chapitres consacrés à Laure avec en introduction le décompte de ses abonnés FB, YouTube, Instagram, etc., des chapitres portés par d’autres protagonistes (Isabelle, la maman du jeune Lucas atteint lui aussi d'un cancer, Doris, la sœur de celle-ci, Lionel, si investi auprès des enfants malades ...), le rythme s’accélère, la tension monte jusqu’à la fin de ce thriller pas comme les autres.

Solène Bakowski nous démontre brillamment que les réseaux sociaux sont sans réels filtres, capables de susciter des sentiments extrêmement forts, d’amour comme de haine, d’engendrer le meilleur comme le pire, qu’il y règne des profiteurs, que rien n’est gratuit et que même les meilleures intentions peuvent devenir les complices involontaires de drames hélas bien réels.

Si vous ne l’avez pas déjà lu, je vous recommande plus que chaudement ce roman, qui se dévore à vitesse grand V et qui, plusieurs mois après sa lecture, reste un immense coup de cœur.


Un extrait 
Le lendemain, dès l’aube, elle surfe. Le reste de la journée, elle ramasse des coquillages. Le surlendemain, elle accueille ses nouveaux stagiaires pour la semaine, leur montre les rudiments, et continue à ramasser ses coquillages. Idem le jour suivant, surf, élèves, cours, flots, vagues, embruns, vent dans ses cheveux, la sidération comme un couvercle sur ce décor. Et des coquillages. Beaucoup de coquillages.
Quand le nombre de sept-cent-trente est atteint, elle les verse dans un grand bocal transparent. Les trois-cent-soixante-cinq suivants, elle les peint en rouge. C’est du rab, pense-t-elle en les transvasant dans le bocal. La troisième année.
Elle en retire ensuite trois, trois petites coquilles qui tiennent dans sa paume, et elle les met dans un autre bocal, vide celui-là. Ding. Ding. Ding. Trois jours ont passé depuis l’annonce.
Le bocal des terminés. Le bocal des à venir.
Sept-cent-trente jours, et trois-cent-soixante-cinq supplémentaires. Pour la troisième année dont, peut-être, l’existence lui fera l’aumône.
Ding. Ding. Ding.

vendredi 7 février 2020

Lésions intimes


par Christophe ROYER, publié aux Editions Taurnada, le 12 septembre 2019, 409 p., 12,99 euros

Nathalie Lesage, capitaine au caractère bien trempé, travaille au sein de la brigade de répression du proxénétisme. Une des branches de l'organisation « Gorgona », spécialisée dans un certain genre de soirées parisiennes, va l’amener à côtoyer un milieu où règnent la perversion et les pratiques extrêmes.
Victime d’un banal accident, son enquête va prendre une tournure inattendue. Dans le même temps, le décès de son frère va l’obliger à renouer avec son passé.
Tout va alors se mélanger et entraîner Nathalie vers l’inimaginable…


L’auteur 


Après l’obtention de son doctorat en physiologie animale, Christophe Royer change de cap pour préparer un master d’informatique, sa deuxième passion, à l’Insa de Lyon.

Aujourd’hui, chef de projet, il vit à Saint-Vallier avec sa femme et leur fils.

Après la publication d’une saga spatiale "Projet Sapience" (2017), il signe Lésions Intimes, un thriller contemporain.

La chro de Flo 

Encore un roman diablement efficace publié par les éditions Taurnada.
Les 410 pages de l’enquête menée par la capitaine Nathalie Lesage et son équipe se lisent à vitesse grand V avec un plaisir évident.
Le premier chapitre est une réussite en terme d’accroche, avec une séquence très forte en tension. C’est assez cru, violent mais au moins il n’y a pas d’ambiguïté sur le milieu dans lequel notre policière et ses acolytes vont tremper. Tout démarre par la découverte d’un double homicide, et l’une des victimes n’est autre que Michèle Chouli, brigadier appartenant à leur unité, au sein du service de répression du proxénétisme. Très vite, nous suivons l’enquête menée par l’unité, dans le milieu glauque des soirées libertines, SM qu’une organisation nommée Gorgona orchestre avec différents niveaux, les plus élevés révélant la part et les penchants pervers de leurs adeptes.
Nathalie Lesage est une femme flic attachante, véritable tête brûlée qui bien qu’été accidentée, décide de mener l’enquête, quitte à enfreindre les ordres de sa hiérarchie. Elle possède une histoire personnelle que l’on découvrira au fil des chapitres, par l’entremise d’un deuil qui va profondément ébranler ses convictions.
Le roman bénéficie d’une touche originale, puisque Nathalie est régulièrement interpelée par Stéphy, une jeune fille séquestrée, qui communique avec elle, voit ce qu’elle voit. Qui est Stéphy, que lui est-il arrivé et comment Nathalie Lesage va-t-elle pouvoir l’aider ?
Le rythme est rapide, Christophe Royer est parvenu à décrire de façon crue mais supportable les scènes qui se déroulent dans le milieu du sexe extrême. On imagine aisément qu’il a effectué des recherches sérieuses sur le sujet.

Je me suis laissée embarquée bien volontiers par cette enquête, ces hommes et femmes personnages principaux ou secondaires, comme Nathalie Lesage que j’aimerais retrouver dans un prochain opus, ou bien encore Samir, adorable ange gardien, Félix Lopin, Gégé, etc.

Je vous invite fortement à découvrir ce roman qui a su me convaincre que Christophe Royer est un auteur à suivre.